Quelle expérience !

Je suis venu au 24h car j’avais un rêve.
Un rêve initié il y a 25 ans par Yiannis Kouros lorsqu’il a réalisé l’exploit de courir 303,506km en 24h.
Je me suis testé sur cette expérience de la circadie en 2019, dans la douleur, mais avec un titre de champion de France et l’année suivante une marque à 272,217km lors du championnat du monde. Record de France. Tout espoir est permis pour la suite.


Je sais dès lors que je ne courrai pas de nombreux 24h. Alors j’orientai mes objectifs soit sur un championnat du monde pour profiter d’une concurrence élevée et en profiter pour tenter de monter sur le podium qui m’a échappé à Albi (4ème), soit sur un 24h qui m’attirait et qui me semblait à la hauteur de mes attentes pour réaliser une belle performance.

Déçu de n’avoir pas été sélectionné aux championnat du monde en fin d’année,  j’ai opté pour un autre 24h en fin d’année, à Oslo.
Un 24h particulier, puisqu’en indoor et sur une piste de 545m, mais qui m’a paru apporté des aspects profitables pour optimiser la performance.
Parcours presque plat, sur revêtement tartan (piste d’athlétisme), mais surtout, un éclairage constant durant toute la course (lumière artificielle) et une température également stable.

Et puis surtout, quelle chance que d’avoir une assistance au top avec ma chérie toujours présente et les cousines kinés au taquet avec leurs conjoints pour donner de la voix, faire les calculs, me soutenir. Et la chance en plus d’avoir mon Enzo pour sa nuit blanche à m’encourager et me prodiguer les meilleurs conseils du monde !

Alors en vue de cette course, certainement l’une de mes dernières sur ce format à ce niveau d’intensité, j’ai souhaité y mettre tout en place.
Avec la chance (pour une fois !) De n’avoir eu aucune blessure physique pendant ma préparation, la possibilité de m’y investir pleinement avec 2 semaines chouchouté à Font Romeu avec mon neveu, des textiles et chaussures au top, l’envie et la motivation ne pouvait être que grande d’y aller !

Une année difficile sur le plan émotionnelle, mais ne tire t on pas parfois le meilleur de soi-même dans les pires moments…

Alors, direction Oslo.

Et une nouvelle fois, et ce malgré les préjugés tenaces et encré dans toutes les têtes (de ce qui n’en ont jamais courus presque tout le temps), la circadie,  c’est bien au delà du « tourner en rond ».

Le 24h, c’est un moment de vie, de partage, de solidarité. Bien sûre, de douleur aussi, de courage bien souvent, et quoi qu’il en soit d’effort intense et..long !

Courir 24h sur une boucle, c’est partager 24h avec une communauté de passionné,  à leur manière, d’aventurier, ou peut être de curieux.
Ce sont des encouragement et du soutien mutuel, de compassion.
Il y a les coureurs, mais pas que.
Certains ont leur asstmistance.
Pour ma part, j’étais accompagné magnifiquement. Les cousines kinés,  leurs conjoints pour m’encourager et noter les moments importants ainsi que les pointages chronomérique en me donnant les informations factuelles dont j’ai besoin. Ma chérie, qui me ravitaillements, m’encourage, et veille à ce que tout aille bien. Et mon grand Enzo, qui du haut de ses 13 ans, n’a pas dormi du tout des 24h mais à réussi à perdre sa voix de ses encouragements si cohérent.
Tous les 6 présents toute la course, indispensables, exceptionnels !
Il y a mon « staff », mais il y a aussi celui des autres coureurs. Et à force de nous voir passer, à force de nos regards croisés, des échanges non verbaux inexplicables s’installent. Une force, un soutien qu’on ne retrouve qu’en circadie, car seulement en circadie on à la chance de voir le meme public tant de fois, de partir tous en même temps, d’arriver tout en même temps.

De mon côté, j’étais parti avec de grandes ambitions. Elles n’étaient pas cachées.
Mon record, 272,217km, était mon objectif « a minima ». Mon rêve, celui des 303,506km de Yiannis Kouros.

Pourquoi…
Parce que je suis un rêveur. Je suis ambitieux. Mes rêves m’ont porté à un titre de champion de monde de trail. A un record de France de 24h. A un record de la traversée des Pyrénées. A deux Top 10 à l’utmb et à 3 top 5 sur la Diagonale des Fous. Entre autre plusieurs sélections en équipe de France, record de France et autres victoires et place d’honneur.

Tout m’étais permis. Une première préparation sans blessure physique. Certes une blessure psychologique, mais parfois le meilleur vient du pire.
J’ai tout mis en place pour être au meilleur de mon potentiel, matériellement, stage à Font Romeu pour me focaliser dans ma bulle sur l’objectif.
Restriction les derniers mois…fêtes, alcool, chocolat, boissons gaseuses, sorties…

Le parcours. Oui le parcours. J’ai choisi d’y aller, car le parcours me plaisait.
Oui, 545m, c’est court. Oui, en intérieur dans un « tunnel », ça paraît fou. 160 coureurs ? Ça peut être un peu trop.
Mais tout de même, un parcours plat, sur tartan, avec une luminosité et une température constante, des virages larges.
Et puis, les records de l’épreuve sont de 264km pour les hommes et 260km pour les femmes, à seulement 10km du record de Camille Heron. Les bonnes performances sont donc réalisable ici !

En fin de compte, je n’ai aucune excuse à trouver en cas de contre performance.
Aucune.

Et pourtant,  je suis très loin du compte. A plus de 50km de mon record !
Désillusion ? Peut être pas quand même.
Déception… certainement.

La déception, c’est peut être surtout de ne pas comprendre pourquoi.
Mais pourquoi quoi…

Départ du Bislett 24 heures d’Oslo


Le départ est donné.  Il y a du ma doubler des la deuxième boucle,  il faut slalomer.
Je pars a bonne allure, mais dans le contrôle. Au allure travailler à l’entraînement.
Michou et Hugo me donnent régulièrement les allures instantanées pour ajuster. Elles sont bonnes.
Les premières heures me paraissent longue. Mais il me faut me « décrocher » des premiers kilomètres qui passent toujours lentement dans mon ressenti.
J’arrive au marathon. 3h de course. Exactement ce que j’avais prévu dans ma projection. Juste un peu mieux que mors de mon record de France.

Semi marathon

Mais depuis la deuxieme heure, quelque chose ne va pas…
J’ai des vertiges !
Je ne comprends pas.
J’avais choisi de mettre des lunettes de soleil, comme en extérieur, pour m’isoler dans ma bulle, rester concentré sur moi et focalisé sur mes sensations, mes pensées, mes imagerie.
Est ce que ce serait les lunettes ?
Mais au marathon, 3h de course donc, les jambes sont dures…
Alors même que lors de mes entraînements de 3h, 4h, sur piste en tartan, j’arrivais très bien à ce moment et à ce rythme, mes jambes sont alors aussi dures qu’après 12h de course (par rapport à mes précédents 24h)
Même matériel, même revêtement. Alors certes, il y a bien dans ce couloir du Bislett Stadion un petite côte sur une vingtaine de mètre,  mais quand même, c’est l’histoire de 50cm de dénivelé.

Il reste 21 heures de course, et je comprends déjà que mes ambitions sont compromises. Mais je poursuis.

Avec ces feedbacks que je fais à mon assistance, Dada analyse les notes depuis le départ.
Peut être, non pas une hypoglycémie, mais une hyperglycémie !
C’est bien la première fois.
On ajuste les ravitaillements, l’amélioration est rapide. J’ai déposé casquette et lunette, et me voilà reparti direction le second marathon.

On double et on slalome !


Mais les jambes sont toujours aussi dures. Elles le seront jusqu’au bout.
Trop de zigzag pour éviter les coureurs ? Manque d’oxygenation ? Départ trop rapide au vu du cadre, en intérieur ? Problème de glycémie du début de course ? Le petit dénivelé ?
C’est encore un mystère.
A 6h de course, c’est le demi tour. Ça bouchonne, ça ne dure pas longtemps, mais ça casse le rythme.
Le cœur s’emballe, il bat étonnamment fort et vite. Pas d’inquiétude, mais des questionnements qui s’ajoutent.
Le second marathon est beaucoup plus lent. 4h45. Certes il y a eu un pause massage au marathon, mais j’ai déjà décroché par rapport à l’objectif.

7h de course


8h18 au 100km. Au vu de l’état des jambes, mon record ne sera pas atteignable, même si chronometriquement je suis encore dans le timing, l’état physique me remet vite à la réalité.
Ce ne sera pas possible.
De la déception, certes.
Mais qu’importe,  j’avais annoncé à mon staff avant la course qu’il ne fallait pas me permettre de m’arrêter. Et j’ai continué.

Faire le plus de distance possible, toujours avancer, c’est l’essentiel de la circadie.
Alors j’avance.

Les tours s’enchaînent, les kilomètres passent,  lentement, mais ils passent.
3eme marathon. Peu importe le temps, peu importe la vitesse. J’avance.
150eme kilomètre. Je suis fatigué. La déception peut être qui pèse. Alors je me pause 8′ pour fermer les yeux…puis je repars. Hors de question de m’arrêter plus longtemps. Je dois continuer.
150km, c’est la médaille du Bislett-24H !

La circulation est dense sur le périph du Bislett

4eme marathon. Je n’irais pas au 6eme, comme pour mon record, et encore moins au 7eme.
Je calcule. Je peux encore faire 240/250km, mais ça va être difficile.
Les tours passent. 180km. Je marche beaucoup, mais j’avance.
Je me donne un rythme sous les encouragement chaleureux de Hugo, 350m de course, 200m de marche. Ce n’est pas glorieux, mais j’avance.

Concentré sur le moment présent…

240km, ce n’est plus possible. 230? Pfff, ça va être très difficile. Déjà, si je fais plus de 200km ce sera ça de sauvé ! C’est bien triste d’en être réduit à ça. Mais je dois aller au bout, pour mon dernier 24h. « Après, je passe à autre chose… »

Dans le dur

Plus que 6h, dernier demi-tour.
L’ordre ravitaillement/montée/pointage/descente/montée change.
Je gagne 10/15″ par tour. Pas de quoi bousculer la course, mais suffisamment pour me remonter le moral, d’autant plus que la tranche de 2h/5h du matin est maintenant derrière. C’est la fin !

Remobilisation générale

Je passe les 200km. C’est joué. Il ne reste qu’un peu plus de 2h. C’est encore et toujours dans la souffrance que j’avance, tant physique que morale, mais je continue à avancer.
Grâce au staff, j’arrive même à relancer et à réduire les temps de marche.

Au pas de course


Sur les deux dernières heures, je ne marche presque plus. Je n’avance pas bien vite, mais j’avance !
59′, je ne m’arrête plus. Je vais vers les 220km. Un petit honneur. Même si c’est 50km de moins que mon record. Et je switche les ravitaillements pour rester sur le podium.

Plus que 5′ au passage devant mon assistance. Allez, un tour et je m’arrête avec eux. Ça me fera 408 tours. 221,6km.
Et une deuxième place pour terminer ce week-end.
Une bien maigre consolation, mais j’aurai tenu le minimum syndical, avancer toujours.

Podium du Bislett 24H Indoor Ultrarunning


Mais comme le disait Pascal, un pas de fait c’est un mètre de plus au compteur. Alors je vais encore continuer à avancer, un pas après l’autre…

Voilà, mon détour dans le monde de la circadie en tant que coureurs est terminé. J’y aurais découvert une magnifique discipline pleine de fraternité.
Mais les choses ont maintenant changé, les objectifs sont planifiés pour la suite, d’autres rêves ont émergé.
C’est une transition, une bascule dans un autre domaine qui m’attend. Cette course de 24h fera office pour moi de jubilé sur les épreuves fédérales.

Maintenant, place à l’aventure !
Avec une équipe construite, des objectifs déjà déterminé, un projet ambitieux toujours, mais des rêves pleins la tête et une étoile 

🌟

 pour guider mes pas ! 

Lepape / MELTONIC / BV Sport France

💫PB

📸 Samuel Hafsahl

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